Nazek Hariri: Une leçon de modestie

Prestige N° 82, Mars 2000

 

Il est vrai qu’il y a des milliers d’étoiles dans le ciel...

pourtant, il y en a toujours une qui brille plus que les autres.

Elle brille parce qu’elle est belle, douce, généreuse. Nazek Hariri surprend par

sa sincérité. Sous une apparence fragile se cache une femme discrète et chaleureuse. Elle adore rire et déteste le protocole. Son sourire sans arrière-pensée cache un secret: faire par amour ce que les autres font par devoir.

Pour elle, le vrai bonheur réside dans l’aide apportée aux autres. Missionnaire auprès des opprimés et des démunis, elle lutte sans cesse dans l’ombre pour imposer la tolérance et la solidarité.

Faceàface privilégié avec …

une étoile discrète.

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© Archives Nazek Hariri

D’un même élan enthousiaste, elle se presse au chevet des enfants malades, soutient tout événement susceptible de redorer l’image du Liban et se donne toute entière à sa famille. Sa générosité associée à sa modestie naturelle, ses convictions associées à l’amour, enfin son dévouement sans faille au Liban, ont contribué à forger cette image entourée d’un halo de mystère. Nazek Hariri intrigue.

Et sa personnalité ne laisse pas indifférent.

Qui êtes-vous, Nazek Hariri?

J’ai vécu une enfance heureuse entre Damas et Amman au sein d’une famille croyante et unie pour qui l’amour et la solidarité ont toujours primé.

J’ai deux frères Ziad et Jamil et une sœur, Nadia.

Quel genre d’enfant étiez-vous? Un vrai garçon manqué!

Je passais mon temps dans la rue à jouer aux billes, aux cowboys, au football. J’ai toujours préféré avoir des jouets de garçons.

Mes parents m’offraient des poupées mais je volais la bicyclette et les gants de boxe de mes frères! J’étais le chef de bande … Un jour, j’ai pris une pierre et j’ai brisé le carreau de la fenêtre de notre voisine. J’ai grimpé, je me suis faufilée à l’intérieur car j’étais la plus mince et j’ai ouvert la porte à mes complices. Nous avons dévoré tous les gâteaux et les glaces du réfrigérateur réservés aux invités!

On dit que vous étiez la «préférée » de votre père. Estce exact? Je crois que cela résulte du fait que j’étais une fille particulièrement sensible et très affectueuse.

Quel genre d’élèveétiez-vous? Tout le contraire d’une élève dissipée. J’étais studieuse et appliquée, quand je rentrais à la maison, les yeux rougis, ma mère comprenait immédiatement que les résultats des examens avaient été affichés et que j’étais seconde de la classe et non la première!

«L’avenir appartient à ceux qui croient en la

beauté de leurs rêves»

Enfant, quel était votre rêve le plus cher? S’est-il réalisé?

Je voulais devenir pharmacienne comme mon père pour pouvoir aider les malades. Sans doute mon rêve s’est-il réalisé en partie puisque la Providence m’a donné le pouvoir d’aider un grand nombre de personnes.

Votre époux Rafik Hariri est issu d’une famille modeste. Il est devenu un homme

puissant et riche. Le parcours est long, de simple instituteur, à Premier ministre …

Je suis très fière de Rafik et il est aussi fier de ses origines modestes. Le succès ne lui est pas monté à la tête. Un jour, je lui ai demandé quel club sportif il fréquentait,  il me répondit en souriant qu’il avait entraîné ses muscles en transportant les caisses d’oranges au temps de la cueillette dans les vergers de Saïda. Il a travaillé très dur, pour payer ses études. Il a réussi, grâce à son ambition et à la volonté divine. Il se disait avec détermination: «Quoiqu’il arrive, sans désespérer, contre vents et marées, il faut savoir toujours repartir à zéro. A chaque échec, recommence … inlassablement. Cela te rendra plus solide face à l’adversité. Jusqu’à atteindre ton but. Peut-être pas celui que tu visais, mais assurément celui dont tu serais le plus fier.»

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© Archives Nazek Hariri

 
Je puise ma force et mon énergie dans l’amour des miens. En haut: la famille hariri au grand complet: Rafik et Nazek Hariri entourés de Nizar et Joumana Dalloul, Bahaa, Fahed, Hind, Ouday, Saad, Ayman
  

Comment avez-vous connu votre mari ? 

Tout être a droit à son jardin secret, ceci est le mien…(Elle rit)

Croyez-vous au destin? Oui. Je crois que chaque individu a son destin déjà tout tracé le jour même de sa naissance.

Pourrait-on qualifier votre vie de conte de fées? Epouser l’homme que  que l’on aime est toujours un conte de fées …

Quel est le secret de la réussite de votre mariage?

J’ai toujours veillé à ne jamais négliger ma vie de couple. Je fais tout pour que notre passion ne se transforme en habitude. L’amour c’est quelque chose qui s’édifie à deux, tous les jours, dans un effort commun. L’amour s’enrichit alors, se renforce quand on fonde une famille et quant on la voit grandir. D’ailleurs je puise ma force et mon énergie dans l’amour de la famille que j’ai fondée.

Vous êtes l’épouse de l’un des hommes les plus riches du Moyen-Orient.

L’argent fait-il le bonheur?

Il est certain que c’est un bonheur d’être riche! A condition que cette richesse ne vous rende pas aveugle et arrogant. Je veille donc à garder les pieds sur terre.

A partager l’argent avec les nécessiteux, à scolariser des jeunes défavorisés. Et aussi à aider des centaines d’autres à se spécialiser au Liban et à l’étranger. Pour Rafik et moi, l’argent n’est pas une fin mais un moyen. Un moyen de distribuer un peu d’espoir autour de nous…

L’argent n’altère-t-il pas les relations avec votre entourage, vos anciens amis?

L’argent n’est pas forcément synonyme d’amitié corrompue. Nos amis en sont la meilleure preuve!

Vos enfants, quelle éducation leur donnez-vous? Après la santé et la religion, l’éducation est ce qu’il y a de plus important. Je leur enseigne la sagesse, l’humilité et le respect des autres. Je ne veux rien leur imposer afin qu’ils puissent créer eux-mêmes leur équilibre et leur bonheur. La leçon quotidienne que je leur répète: rester à l’écoute de l’Autre, respecter sa culture sans jamais chercher à la détruire. Je leur apprends à être honnêtes, sincères, altruistes, à partager ce qu’ils possèdent avec le prochain. Je leur répète à longueur de journée la phrase d’Eleanor Roosevelt: «Le futur appartient à ceux qui croient en la beauté de leurs rêves.»

A vous deux, vous avez huit enfants, comment gérez-vous donc votre famille?

J’ai élevé mes huit enfants avec la même tendresse et les mêmes restrictions. Je les aime tous également et je leur téléphone tous les jours sans exception en dépit des différents décalages horaires.

Sur quel point êtes-vous intraitable? Le mensonge!

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© Archives Nazek Hariri

 

«Avec mes petits-enfants, j’oublie tout et je passe des heures à jouer avec eux.» Pose-photo avec Hussam, le fils de Saad, Bahiaa la fille de Bahaa. 

Vos enfants sont-ils gâtés? Leur passez-vous tous leurs caprices? Non, jamais. Leur argent de poche est fixe. Ils ne peuvent pas du tout dépasser leur budget. Quant aux cadeaux, ils doivent attendre les occasions.

Votre époux s’implique-t-il également dans l’éducation de vos enfants? Oui, il est sévère, inflexible pour tout ce qui touche à leurs études. Il leur répète souvent: «Dans la vie, il faut avoir constamment devant soi un obstacle à franchir, et placer à chaque fois la barre de plus en plus haut. Mieux vaut la déception d’un échec que le regret de ne pas avoir osé … »

Vos deux fils Fahed et Ayman sont encore jeunes. Quel avenir souhaiteriez-vous pour eux? Je n’aimerais pas qu’ils choisissent la politique.

Et puis chacun a son propre caractère, ses propres ambitions.

Je leur répète: «Lorsque vous êtes arrivés au sommet de la montagne, continuez de monter. Il faut des années pour édifier la confiance et quelques secondes seulement pour tout détruire.

Quelle que soit la nature de votre travail, ne vous compromettez pas, votre seule richesse, c’est vous-même!»

Votre fille Hind a quinze ans, quelle est la toute première leçon que vous lui avez apprise? Que la vie est une rose dont chaque pétale est un rêve et chaque épine une réalité. Et je lui répète toujours «Traite autrui comme tu aimerais être traitée.»

Votre rêve le plus cher?

Préserver mon bonheur familial, et en distribuer autour de moi.

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© Archives Nazek Hariri

 

«Je suis très fière de Rafik, dit-elle, et lui est fier de ses modestes origines. Le succès ne lui a pas tourné la tête»

Vous meniez une vie calme auprès d’un mari omniprésent et puis un jour, il est devenu Premier ministre, comment avez-vous vécu ce bouleversement? La politique, ce n’est pas clair, jamais transparent, c’est nager en eaux troubles. Je l’ai appris lorsque mon mari est devenu Premier ministre et j’ai été choquée par cette réalité. Enfin, Premier ministre ou non, mon mari a toujours été pris par son travail. Mais aussi toujours présent quand sa famille avait besoin de lui.

Souhaitez-vous le revoir Premier ministre, et pourquoi?

Pourquoi pas?

Rafik Hariri a déclaré dans une interview à Prestige:

«Mon critique préféré, c’est ma femme. Elle a une vision impressionnante, une opinion judicieuse sur ce que je fais. Nazek m’a toujours porté bonheur.» Qu’en pensez-vous? (Rires) S’il le dit, c’est qu’il y croit.

Quelle est pour vous la qualité la plus importante chez un homme? La tendresse et la fidélité.

Une amie proche a dit de vous: «Jetée dans l’océan de la foule, Nazek a couvert qu’elle n’avait pas le choix» C’était se noyer ou apprendre à nager.

Les résultats ont dépassé toutes les espérances …

Merci. Je pense que vous surestimez mes capacités (sourire modeste).

Quel est à votre avis l’atout le plus important dune femme? La plus belle parure d’une femme, c’est l’amour. Ses armes les plus précieuses sont le charme et le mystère.

Quelle est la personne que vous admirez le plus? C’est une question difficile, très difficile! (rire espiègle)

Croyez-vous à la chance?

Oui, mais la chance doit être soutenue par le discernement.

Vous ne traversez pas la rue en vous disant : «J’ai de la chance, je ferme les yeux». Il faut regarder attentivement à droite et à gauche avant de traverser! Quand le train passe il faut le prendre, il ne passera peut-être pas une deuxième fois!

Toutes les jeunes filles d’hier et d’aujourd’hui rêvent de votre vie. Adolescente, en rêviez-vous aussi? A l’école déjà, j’avais l’étrange intuition d’une destinée hors du commun. J’avais toujours l’impression qu’un jour je sèmerai le bien autour de moi.

Vous êtes toujours très entourée. Ces marques d’attention ne sont-elles pas quelque peu superficielles? Je ne pense pas. Tous ceux qui m’approchent m’aiment vraiment ou ont besoin de moi.

De tous vos bijoux, lesquels préférez-vous? Ceux qui ont une histoire, une valeur sentimentale. Et le premier d’entre eux est mon alliance …

A la fois star et mère de famille, pouvez-vous définir votre style de vie? Je mène deux existences complètement différentes. Il y a ma vie chez

moi, dans mon «home» où j’adopte un style très décontracté.

Et ma vie publique bien moins relax. C’est formidable de pouvoir alterner les deux univers!

Et l’amitié dans tout ça? L’amitié est quelque chose de très important pour moi. J’ai aussi appris que même l’ami le plus sincère, vous fera du .mal quelquefois même involontairement, et qu’il faut toujours lui pardonner,

Quelle est la première chose que vous feriez si vous étiez élue chef de l’Etat? Je cèderais ma place à mon mari.

Etes-vous optimiste quant à l’avenir du pays? Je reste malgré tout confiante et optimiste. D’abord parce que c’est ma nature ensuite parce que j’ y crois. En particulier si Rafik revient au pouvoir, car j’ai confiance en son amour et son dévouement pour le Liban, en son autorité et sa crédibilité à la fois sur les plans national et international. Je sais qu’il veut faire «briller» le Liban parmi les autres nations. Il poursuivra sa mission envers et contre tous avec l’aide de Dieu et des Libanais.

Quelle est votre citation pférée? Celle de Lamartine: «Le livre de la vie est le livre suprême qu’on ne peut ni fermer ni rouvrir à son choix. Le passage attachant ne s’y lit pas deux fois. Mais le feuillet fatal se tourne de lui-même; on voudrait revenir à la page où l’on aime, et la page où l’on meurt est déjà sous nos doigts.»

Avez-vous des regrets? Mon seul regret c’est de ne pas avoir le temps de lire tous les livres que j’aimerais lire, d’aider tous les gens, d’apprendre à mes petits-enfants toutes les choses que j’ai apprises de la vie.

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© Archives Nazek Hariri

 

Lors de la visite au Liban de la Première Dame de France Bernadette Chirac: une amitié solide lie les Hariri aux Chirac.

Quelle est la première règle qui régit votre vie? Je n’obéis pas aux règles, j’obéis toujours à mon cœur. «Car on ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux.»

Vous êtes aux yeux de tous une jeune grand-mère, comment vous définissez-vous? Je suis une grand-mère gâteuse. J’adore mes petits-enfants Nazek, Aya, Bahia et Hussam. Quand mes petits-enfants sont là, on joue à quatre pattes, on se roule par terre et j’oublie toutes mes obligations!!

Qu’est-ce que le bonheur Pour vous? C’est d’être entourée de ma famille. C’est aussi de voir un sourire sur les lèvres d’un enfant démuni quand ‘vous lui avez tendu la main. .Le bonheur c’est de porter secours aux personnes âgées.

et j’aime la définition du bonheur d’Ingmar Bergman: «Avoir une

bonne santé et une mauvaise mémoire», qu’en pensez-vous?

Votre fils Ayman crée des programmes informatiques. Est-ce que vous êtes proche du domaine des ordinateurs?

Je ne m’y connais pas du tout! Je sais qu’en cela je suis profondément décalée de mon époque. Je déteste l’idée de ces visites virtuelles de musée et du shopping on line. Jamais vous ne risquerez deme voir surfer sur Internet!

Etes-vous jalouse? Je serais jalouse, rien qu’à penser que mes enfants se mettent à aimer quelqu’un plus que moi!

Pavarotti s’est produit au Liban en 1999 dans le cadre du Festival de Beyrouth que vous présidez. Pensez-vous que le Liban a porté ces festivals au niveau international? J’ai choisi un géant pour prouver au monde et aux personnes qui veulent du mal au Liban que les plus grandes

célébrités adorent visiter notre pays.

Vous sponsorisez le ballet de Caracalla, y a-t-il une raison particulière à cela?

Caracalla est un grand nom de la danse, de surcroît libanais. C’est un groupe devenu international qui a su rehausser la facette artistique du Liban à l’étranger. C’est pour cette raison que je le soutiens. Je souhaite aider également d’autres artistes libanais de talent.

Et si vous deviez vous décrire en un mot? Perfectionniste!

Vous opposez-vous à une participation plus active de la femme de politicien à la vie politique? Toute épouse d’homme politique doit rester à ses côtés, et le soutenir dans l’ombre à chaque moment.

Qu’attendez-vous du troisième millénaire? J’espère qu’on inventera un remède efficace contre le vieillissement (d’un air amusé, puis sur un ton plus sérieux...) J’espère surtout que la paix règnera un jour sur le monde …

Vous vous déplacez rarement seule, vous voyagez toujours en famille …Je ne peux pas vivre sans ma famille, mes amis, j’ai constamment besoin de me sentir entourée des personnes que j’aime.

Quelles sont vos émissions télévisées préférées? Tous les documentaires relatifs à l’histoire.

Vous avez vécu en Arabie Saoudite et à Paris. Qu’avez-vous appris de ces sociétés, préférez-vous vivre en Orient ou en Occident? En Arabie,

j’ai appris la modestie, la générosité et l’amour du prochain. Je ne m’y suis pas sentie dépaysée parce que ces valeurs étaient celles prônées par mes

parents. J’ai vécu à Paris durant la guerre du Liban. Mes enfants

et moi avons profité de ce séjour sur le plan culturel.

Vous avez visité de nombreux pays, lequel vous a le plus séduit? J’aime la France, toutefois quelque chose dans mon cœur murmure: orientale, c’est tout. Et ma capitale préférée reste Beyrouth.

Quavez-vous appris de Rafik Hariri? La patience et l’ambition.

Quelles leçons avez-vous appris de la vie? Quel serait votre premier conseil à nos lecteurs? I would tell them treasure every moment you have! And treasure it always. Remember that time flies away and waits for no one … Yesterday is history. Tomorrow is mystery because it’s promised to no one. Today is a gift…that’s why it’s called «present».

Propos recueillis par SANA ALAM

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