Salma Hayek

Prestige N 74, Juillet 1999

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Salma Hayek durant sa visite au musée Gibran à Becharré © Prestige

«Le cinéma est merveilleux, j’y change de vie tant que je veux!»

Avec son sourire enjôleur, sa silhouette à damner un saint, ses traits angéliques, elle était la star incontestée de ce 52e Festival International du Film. Par ses mains accompagnant chaque parole, son esprit fin et délié, son humour et. .. son regard de velours, elle a conquis la Croisette.

Elle n’est pas très grande mais … elle ne passe pas inaperçue. Une foule de fans s’agglutinait autour d’elle en quête d’un sourire, d’un autographe. Elle était toujours disponible.

Toujours plus belle. Elle a séduit Cannes, dit-on, tout comme Sharon Stone l’an dernier. Sauf que Salma séduit avec naturel, presque inconsciemment. Par exemple, ce geste de relever son grand châle et le déposer sur ses épaules lors de notre entretien au Grand Hôtel trahit sa nature latino.

Ce n’est pas votre première visite à Cannes. Les choses ontelles changé pour vous cette année? J’étais venue pour Desperado avec Antonio Banderas, pour une période très courte. Je n’avais pas alors de film à défendre. Cette année je suis là depuis trois jours à peine et je me sens déjà exténuée. Je suis stressée en permanence. Je vais sans doute le rester pendant onze jours. De plus cette année, j’ai un film en compétition: El Coronel no tiene quien le escriba à défendre. La pression est donc plus forte. En ce qui concerne ce film-là je dois rencontrer des distributeurs aux Etats-Unis et tenter de les convaincre. D’autre part, je joue dans Dogma de Kevin Smith qui sera présenté aussi au Festival mais hors compétition.

«Je suis en accord avec mon nom, pourquoi devrais-je le changer?».

Le film dArturo Ripstein marquerait-il votre retour au Mexique et aux films espagnols? En fait, je reviens tous les ans au Mexique même d’une manière furtive. Je me sens mieux à jouer dans ma langue maternelle. J’ai même tourné dans un film mexicain où j’avais un petit rôle et j’étais accoutrée de telle façon que les spectateurs ont eu du mal à me reconnaître. J’avais vraiment l’air d’un vilain canard.

On a du mal à croire que vous pouvez être laide … Je ne fais rien de spécial pour m’embellir. Je mets juste un peu de mascara. Rien qui soit vraiment différent de ma vie de tous les jours … En fait, la chose la plus difficile pour moi, comme pour toutes les filles je crois, c’est décider le matin de ce que je vais porter pendant la journée. Prendre une veste ou non? En ce moment à Cannes, la question me tracasse encore plus: combien de robes longues dois-je avoir? Comment me transformer tous les jours? Cela me gêne un peu.

A y penser, ce n’est pas drôle du tout.

Comment avez-vous décidé de devenir actrice? J’ai depuis toujours voulu être actrice. J’avais une imagination très fertile. Attentive à tout, j’étais aussi portée vers ce métier. On me disait que c’était dangereux de prendre cette direction. Puis, un jour j’ai vu un film, Lily and chocolate factory. Un endroit où il suffit d’un peu d’imagination pour changer une rivière en chocolat. .. J’ai trouvé cela fantastique.

Il fallait vouloir très fort du chocolat à gogo. A ce moment-là, j’ai voulu encore plus devenir actrice. Ce qui est merveilleux dans ce métier c’est que vous pouvez changer de vie autant que vous voulez. A la fin d’un film on meurt pour revivre dans un autre … Tu es détective dans l’un, criminelle dans l’autre. J’ai ainsi plusieurs vies.

«J’ai reporté mon voyage au Liban mais j’y pense sérieusement»

En choisissant de devenir actrice, tu n’as pas pour autant changé ton nom et prénom libanais. Non parce que je me sens très en accord avec mon nom. D’ailleurs, au Mexique les gens croient que c’est un pseudonyme, que je dois m’appeler: Maria Lopes ou quelque chose dans le genre. Aux Etats-Unis, je n’ai pas eu non plus de problème avec mon nom …

Vous êtes originaire du Liban, avez-vous jamais pensé visiter ce pays?

Mon grand-père y avait été en 1974, puis il est revenu au Mexique, l’air triste en se disant que plus jamais il ne retournerait au Liban. A l’époque, j’étais enfant. Puis, il y a environ quatre ans j’ai voulu me rendre au Liban mais il y a eu des troubles et mon agent m’a supplié de changer d’avis parce que j’étais pour lui son «gagne-pain», qu’il avait des enfants à sa charge. N’empêche que j’y pense encore sérieusement.

Votre agent est bien cynique. Nous nous connaissons très bien, nous nous comprenons. Nous avons surtout conscience que nous avons besoin l’un de l’autre.

Pour en revenir à vos deux films présentés à Cannes, commençons par celui de Ripstein. C’est Marisa Paredes qui y tient le rôle principal. Quant à moi, j’y incarne une prostituée romantique …

Il s’agit d’une histoire adaptée d’un roman de Gabriel Garcia Marquez et qui se déroule dans le Mexique des années 50.

Les plus grands rôles hollywoodiens ont souvent été ceux de «prostituées».

Ce n’est pas Hollywood … Mais je trouve le rôle important même s’il n’est pas grand. Malheureusement, les gens jugent sur les apparences sans vouloir en savoir plus.

Dogma de Kevin Smith a déjà suscité beaucoup de controverses. Certaines personnes ont condamné le film sans l’avoir encore vu. Une réputation sulfureuse le devance. Pourtant, c’est un film plein d’humour.

Smith qui est l’un des futurs plus grands réalisateurs de sa génération a fait là une comédie, qui n’a absolument rien contre la religion. Les gens manquent de sens de l’humour.

Le discours de Kevin Smith est très intelligent. Je ne veux pas le défendre parce que je ne crois pas à tout ce qu’il raconte dans le film. Dans Desperado je dois tuer quelqu’un. Je ne suis pas une criminelle pour autant, dans la vie réelle je ne vais pas aller tuer des gens. Je ne veux pas être attaquée pour ce film parce que ce qui m’intéresse est surtout le personnage que je joue, le script fantastique que j’ai lu. C’est vrai qu’il était très long, ils l’ont coupé au montage.

Quel le jouez-vous dans ce film? Je suis une muse, Serendipity, qui doit seconder Bethany alias Linda Fiorentino selon l’ordre de Dieu afin de stopper deux anges rénégats Ben Affleck et Matt Damon qui menacent l’Existence. En fait, c’est une muse qui est fâchée parce que tous ceux dont elle est l’inspiratrice ne reconnaissent pas son rôle. Toujours dans l’ombre, elle demande à Dieu d’être reconnue. Dieu la charge de cette mission céleste de sauver le monde.

Est-que ce film a changé votre rapport avec la foi? Non ce film n’a absolument rien changé en moi sur le plan de la foi. Il ne m’a pas donné matière à réflexion, je suis restée la même après le film, je n’ai pas accepté d’y participer parce qu’il aborde le thème de la religion mais parce qu’il y est question d’humanité. Je répète, c’est un film intelligent, drôle, brillamment écrit. J’aimerais savoir comment les gens ont pu prendre les choses au sérieux: le bien, le mal, les croyances …

Et dans The wild, wild, west de Barry Sonnenfeld avec Kenneth Branagh?

Là, je n’ai à sauver personne. C’est un film d’avant-garde … C’est bon de jouer avec Kenneth, mais il est méconnaissable dans le film. Enfin, c’est une surprise. Cet acteur est un véritable perfectionniste.

Nous avons aussi entendu parler de Shining New enemies. C’est une comédie pure et simple. Un film très excentrique réalisé par une équipe de réalisateurs suédois sous le label Tractors et produit par Miramax. J’interprète le rôle d’une détective qui met la main sur un serial killer.

Les projets ne manquent pas. Suivant quels critères sélectionnezvous les rôles que l’on vous propose? Je n’ai pas de préférence pour un personnage. Je joue tout ce qui m’intéresse. Je choisis des rôles différents. Je n’aime pas interpréter toujours les mêmes personnages.

«Les gens jugent sur les apparences sans chercher à en savoir plus»

Quel est votre projet le plus cher? C’est un rêve qui me tient à cœur depuis longtemps. Après l’avoir réalisé, je pourrais mourir tranquille … C’est un projet qui me tient tant à cœur que ma maison de production s’en chargera. Je n’ai pas eu le temps de le réaliser jusqu’à présent car j’avais un agenda de tournage très chargé!

Et c’est la vie du peintre Frida Calho que je tiens à porter à l’écran. Je jouerai le rôle principal face à Alfredo Molinar. Le nom du réalisateur, je le garde secret. Avec ce film j’aurai réalisé mon plus grand rêve. A la fin de l’interview, avant qu’un autre

groupe ne s’installe à la table d’interview, une nuée de photographes voulurent la prendre en photo. Je voulus naturellement faire de même, elle me sourit: «Je préfère prendre la photo avec toi … » Voilà, c’est cela en deux mots Salma Hayek! Propos recueillis à Cannes par MARIE-JEANNE ASMAR

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