Suzi Fadel Nassif: Un art hors des sentiers battus

Prestige Numéro 298, Oct. Nov. 2019

 

L’artiste libanaise Suzi Nassif réalisait dès l’enfance qu’elle s’orienterait vers les arts visuels. Ses sources d’inspiration? Elles sont multiples: diversité culturelle, mystères de l’existence et émotions. Utilisant l’huile et l’acrylique dans ses peintures, sa carrière a été propulsée sur le marché international. Au cours d’une rencontre avec Prestige, l’artiste raconte son parcours et ses futurs projets.

 

Fridali par Suzi Fadel Nassif. © Archives Suzi Fadel Nassif.

 

Suzi, racontez-nous votre parcours. Comment êtes-vous devenue peintre? Etait-ce une carrière que vous vouliez suivre depuis votre jeune âge?

Depuis mon jeune âge, j’étais consciente de mon orientation vers le monde des arts. Des dessins aux couleurs vives remplissaient les pages de mon calepin. Je réalisais que la vie me conduirait par hasard vers une carrière artistique, mais je n’avais pas une vision claire, quelle forme de créativité prendra le dessus. Je me suis lancée dans l’art sous toutes ses formes. J’ai étudié la musique, la photographie, les arts graphiques. Je ne trouvais toujours pas ma place jusqu’à ce que j’aie découvert ma paix intérieure dans une toile, avec un pinceau.

Tout a commencé en 2006, la guerre avait de nouveau fait ses ravages. J’étais comme un oiseau enfermé dans une cage, mais j’avais la chance d’être dans une jolie prison appelée le Liban. Trente-trois jours de voyage artistique, je faisais une peinture libre essayant de me retouver sur une toile.

Ma première exposition fut à Dubai en février 2015, avec des œuvres qui exprimaient les comédies et tragédies vécues réellement tous les jours. Je voulais crier cela à travers mon pinceau. Une fois que je me suis découvert à travers mon art, j’étais de nouveau un oiseau libre, entreprenant un nouveau voyage d’inspiration et d’expression. J’avais tellement de choses à dire. Les mots n’arrivaient pas à décrire ce que je ressentais. Mon art résumait des milliers de mots. Quand je me donne entièrement à l’art, l’art me le rend en retour! Un voyage passionnant! La peinture est tout simplement mon compagnon de route.

Il y a plusieurs influences dans vos peintures. Matisse, Klimt, Andy Warhol…Un genre de mix-and-match, comment décririez-vous votre style?

Les peintures hallucinantes de Salvador Dali m’interpellaient à mes débuts, j’ai appris et imité son travail à ma manière. J’étais éprise de son art et impressionnée par sa capacité à vous entraîner dans des périples tordus. Avec le temps, j’ai commencé à apprendre d’autres artistes et mon imagination sauvage m’emmenait vers des périodes historiques, vers des artistes aux styles différents. C’est ainsi que j’étais fascinée par les œuvres de Khalil Gibran, Van Gogh, Klimt et Warhol. J’ai redonné vie à leurs travaux d’une façon contemporaine!

Cependant les cultures latines avaient une influence majeure sur mon style de peinture. Un voyage à Cuba m’a poussée à réaliser que j’appartenais à leur monde. J’ai exploré leur patrimoine et cherché tout médium possible dans leur histoire. J’ai découvert et suis tombée amoureuse de l’art de Frida Kahlo. J’aime m’imaginer comme une conteuse d’histoires fabuleuses. Mon style n’est ni pop ni abstrait, ni surréaliste ou réaliste, mais simplement «suzisme».

 

Suzi Fadel Nassif devant un de ses tableaux. © Archives Suzi Fadel Nassif.

 

Certaines peintures vibrent de lumière et de couleurs, alors que d’autres dépeignent des personnages en noir et blanc, d’une façon plus sombre. Cela reflète-t-il des étapes dans votre vie? Dans votre processus créatif?

A mon avis, l’art est le résultat magique de mes sentiments, de mes émotions, de mes expériences et de mes croyances. C’est l’ensemble de ce que je perçois consciemment et sur le plan de la subconscience tous les jours, en utilisant tous mes sens. Je suis totalement inspirée par nos «reality shows» que nous expérimentons dans notre vie quotidienne, en lisant des articles, regardant des films, écoutant des allocutions, ou en parlant avec les autres ou même avec nous-mêmes. Oui, chaque jour il y a quelque chose de nouveau dans mon univers; ou dans notre monde, un cercle vicieux d’événements majeurs. En tant qu’artiste, je le représente à travers un visage, ou l’utilisation d’une certaine couleur, pour créer une œuvre surréaliste basée sur cette réalité! C’est une représentation visuelle qui devient visible pour moi sous forme de lumière, et ensuite apparaît dans mes peintures. La phase en noir et blanc a commencé lorsque j’ai perdu mon père en 2014, j’ai peint un vieil homme «I am divine», qui a reçu le prix Da Vinci à Florence. J’ai aussi créé la série «Le camp de réfugiés» qui consistait en différents portraits en noir et blanc exprimant l’agonie que notre monde endure chaque jour.

 

L’art combine raison et émotions, le niveau conscient et inconscient, qu’en pensez-vous?

Pour citer Picasso: «Tout ce que vous pouvez imaginer est réel». Il y a deux éléments dans notre vie: la réalité et les rêves, le conscient et l’inconscient. Quand nous dormons, nous rêvons, et certains rêves peuvent être étranges ou remis en question et totalement différents de notre réalité. J’aime représenter la connexion poétique réaliste/surréaliste qui existe entre ces rêves et la réalité. L’art est le langage de l’âme, il permet aux personnes d’exprimer et d’apprécier l’universalité ainsi que la particularité de chaque expérience personnelle à tous les niveaux: conscient, inconscient ou subconscient. C’est tout simplement, une «confession».

 

«Am an old soul.» © Archives Suzi Fadel Nassif.

 

Suzi, vous représentez des personnalités iconiques: Coco Chanel, Superman, Salvador Dali, Frida Kahlo… Pourquoi?

Coco était la première femme à avoir changé l’univers de la mode. Spécifiquement, elle a influencé les femmes et les hommes; un pas important vers l’égalité entre hommes et femmes. Elle a dit: «La mode n’est pas seulement les robes. La mode est dans le ciel, dans la rue, la mode est liée aux idées, à la façon dont nous vivons, à ce qui arrive.» Je dis: «L’art ne se reflète pas seulement dans les toiles. L’art est dans le ciel, dans la rue, l’art est lié aux idées, à la façon dont nous vivons, à ce qui arrive et au-delà.» Superman m’a appris cela dès l’enfance: «On ne peut créer ce qui étonnant qu’en faisant face à la peur, au risque, à l’échec durant tout le processus.» C’était une influence majeure dans mon voyage artistique en tant qu’auto-didacte! Frida Kahlo a défini son caractère unique sans excuses ni limites. Elle est, à ce jour, un modèle pour beaucoup de peintres féminines, «je l’appelle la marraine!» Salvador Dali, le roi du surréalisme, est une énigme et après avoir visité sa maison à Cadaqués, j’étais impressionnée, c’était sublime! Je suis heureusement «emportée» par des icônes si puissantes qui ont crée une histoire dorée à différentes époques.

 

© Archives Suzi Fadel Nassif.

 

Quel message voulez-vous véhiculer à travers votre art?

Chaque tableau raconte une histoire et transmet un message unique. Mon art est le fruit de l’inspiration et des vagues internes liées aux émotions du moment. La peinture se reflète sur ceux qui la regardent et les coups de pinceau font partie de leur imagination. C’est à travers cela qu’un lien personnel se forme et le message est délivré.

Quels sont vos projets?

Pour 2020, j’espère bientôt exposer dans une galerie à Beyrouth. Entretemps, je prépare pour expositions, une à Abu Dhabi début octobre, et une autre à la mi-novembre à l’hôtel Four Seasons Dubai. De plus, je travaille sur une collection artistique qui sera imprimée sur des kimonos et sera lancée durant l’exposition de novembre. Propos recueillis par Rita Saadé

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